Un calendrier de six jours plein comme un œuf qui accueille, encore cette saison, quatre nouveaux jeunes designers, les blockbusters du luxe (Dior, Vuitton, Hermès, etc.) prêts à faire imploser l’audimat, sans compter les dizaines d’aspirants qui ont greffé leurs présentations – officieuses – dans les interstices de plus en plus minces du planning… Paris est bien la fashion superstar du circuit masculin.
Dans la capitale française convergent cette semaine des créateurs de plus de dix nationalités différentes. Ils parlent tous le même langage, la mode, mais dans des idiomes qui leur sont propres. Au fil des jours va se composer un impressionnant patchwork d’œuvres et d’expressions.
En cette fin de mardi après-midi qui s’étire au soleil, le contraste est déjà saisissant entre le show de The Soloist et celui d’Ami. Le premier est une maison japonaise dont le nom complet est Takahiromiyashita The Soloist – un cauchemar pour les dyslexiques, mais sa collection est un rêve pour les amateurs de poésie. Il y a de tout dans ses silhouettes monochromes : des uniformes d’étudiants victoriens à guêtres, des baskets montantes pour éternels postados, des costumes souples ceinturés de clous à la mode western, des souvenirs de villégiatures « proustiennes » à Deauville, des envies de lecture dans une bibliothèque sombre ou de motocross dans la campagne, des imprimés graffiti et puis des Mickey en ton sur ton sur des vestes de soie, portés avec des gros souliers à bouts ronds qui rappellent ceux de la souris Disney.
Tout cela devrait être improbable, et pourtant… L’imagination raffinée du créateur, sa précision dans l’expression vestimentaire donnent à tout cela un charme infini, familier et tout à la fois entièrement neuf, comme si on regardait le vestiaire d’un adulte qui aurait conservé son regard d’enfant sur le monde.
La mode du Français Alexandre Mattiussi, le créateur d’Ami, choisit une voie très différente de cette expression onirique. On la dit « basique », « facile », incarnation d’une mythique « nonchalance parisienne ». Autant de clichés agaçants auxquels échappe justement la nouvelle collection, qui réunit mode féminine et mode masculine. Les coupes sont faussement classiques, la ligne est épurée, les proportions subtilement décalées. C’est sobre et sophistiqué, parfois presque psychorigide, mais aussi un peu sexy. C’est plus piquant, plus nuancé, intrigant.